7 octobre 2022 par Jonathan Blanchet

Coline Serreau dans La Belle Verte (1996). Elle joue le rôle de Mila, qui accepte de se rendre sur Terre, une planète désertée depuis 200 ans.
La réalisatrice de Trois Hommes et un couffin et La Belle Verte est invitée du quatrième CLAP, le Ciné Rencontre Lumineuse de Plombières-les-Bains, à une époque où ses films n’ont jamais semblé aussi actuels et nécessaires. Rencontrer une femme têtue qui ne veut pas baisser le drapeau.
S’il fallait résumer votre cinéma, on pourrait dire qu’il a cette particularité de pouvoir suivre l’évolution des mœurs…
Quand Trois Hommes et un couffin sont sortis en 1985, ce n’était pas pour culpabiliser. Il a montré qu’avoir un enfant est une joie. Pourquoi ces hommes manqueraient-ils cela? Il y avait beaucoup de machisme avec le film. Il en va de même pour “La Crise”. La tirade de Maria Pacôme (qui exprime la lassitude de sa charge mentale et son besoin de vivre enfin sa vie, ndlr) a eu un grand retentissement social. Cela a créé un déclencheur très libérateur pour les femmes… et les hommes aussi !
Vous parle-t-on toujours de Trois Hommes et un berceau ?
Maintenant j’entends plus parler de La Belle Verte (fable écologique et spirituelle qui voit un extraterrestre atterrir sur Terre et se rend compte de l’étendue des dégâts, ndlr). Le sujet du film était considéré comme complètement glacial à sa sortie. En 1996, il n’y avait pas beaucoup d’entrées… et je ne me souviens pas avoir vu un seul article positif d’un journaliste. Quand il est sorti en vidéo et en DVD, le bouche à oreille a tout changé… et avec YouTube et le streaming, de nombreuses scènes se sont retrouvées sur internet. C’est devenu un phénomène mondial. Les gens se rassemblent pour le voir. Vous avez compris à quel point La Belle Verte parle de nous !
Vincent Lindon a récemment déclaré à propos de The Crisis qu’il avait près de 30 ans d’avance.
Si vous voulez que votre film dure, il ne faut pas s’accrocher à la petite réalité du moment. Notre société va mal depuis un moment, les choses ne s’améliorent pas. Le tout consiste à creuser le sillon pour montrer comment en sortir. Un film comme Local Solutions for Global Disorder est très important pour les gens en ce moment. Nous ne pouvons pas survivre dans une société où le seul but est de gagner de plus en plus d’argent. Il faut donc se battre pour le changer.
Malgré la dureté des enjeux sociaux, vos films sont pleins de comédie et d’humour. Quel équilibre trouver entre les deux ?
Pour moi il n’y a pas beaucoup de différence, les deux ne sont pas incompatibles ! Regardez Chaplin, Lubitsch… Je vois le monde dans sa tragédie et sa comédie à la fois. Le rire permet de se regarder plus facilement. On peut rire de nous-mêmes dans cette société ! C’est important d’avoir de l’espoir. La vie continue et continuera… avec ou sans nous !
De votre côté vous enchaînez les projets ! Envisagez-vous d’explorer d’autres formats de fiction, d’autres techniques d’écran ? Son long métrage Chaos a été l’un des premiers à être tourné avec un appareil photo numérique…
La première sortie en salles au monde, vous voulez dire ! Le numérique force une typographie différente, beaucoup plus riche. Je ne suis pas un nostalgique du cinéma. Le film nous fait transpirer ! La sourdine était sympa, mais le talkie n’est pas mal, n’est-ce pas ? Pareil au théâtre : je fais un spectacle interactif et je suis le public, j’improvise, je change le texte et j’ai un contact très direct avec les gens. C’est ce que je recherche aussi à Plombières. Il s’agit d’une occasion importante de prendre le pouls de la société.
Festival CLAP
8 et 9 octobre
Cinéma de Plombières-les-Bains
Rencontre et projection de cinq films de Coline Serreau en sa présence (Trois hommes et un panier, La Crise, La Belle Verte, Saint-Jacques… La Mecque et le documentaire Local Solutions for Global Disorder)
Infos : www.plombierescinema.fr